Day 86 PCT : Etna - Km 2575
- vincentsouverain51
- 28 sept. 2022
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 janv. 2023
15 juillet 2022 : 21 mi / 33 km - D+ 1300m / D- 1250m - Total : 1672 miles / 2689 km

Cette journée est l’avant dernière dans le Nord de la Californie et même en Californie tout court.
Avec la journée de demain, cela fera 2700 km parcourus dans cet État que je m’apprête à quitter pour l’Oregon. J'ai passé tellement de temps à marcher en Californie que ça fait bizarre de le quitter demain.
Les premières choses qui me viennent en quittant cet État et le Nord en particulier sont la diversité incroyable et le dénivelé !
S’il fallait encore une preuve, la Californie du nord est toute sauf plate et cette journée s’annonce encore très grimpante. Ce sont même les montagnes russes qui la rendent encore plus piquante et plus particulière que d’habitude.
Comme j’ai déjà pu le ressentir dans cette 3eme section du PCT, et malgré ma propension à la grimpette, y compris dans des pourcentages très élevés, je rêve d’une journée aux pentes douces et même une journée plate, mais cela n’arrivera jamais je pense.
Cela ne m’empêche pas d’apprécier la marche et les paysages.



Par contre, ce qui me fait râler un tout petit peu, ce sont les arbres couchés.
Au début, c’est une curiosité et puis ça amène un peu de piquant car on se demande souvent comment s’y prendre selon la taille des arbres. Parfois, la tâche paraît impossible lorsqu’on se plante devant eux.
Mais, finalement il y a toujours un moyen. On ne trouve jamais une queue de hikers bloqués et dire « bon, les gars demi-tour au Mexique, c’est mort, on ne peut plus avancer, c’était sympa le PCT !! »
A moins d’être de très petite taille, on ne passe jamais au dessous.
Souvent, on fait confiance à ses genoux dans une flexion à la courbe très ample d’abord, puis rétractée au maximum derrière le mollet, en s’assurant de rester bien aligné.
Les quadriceps saillants une fois grimpé sur le tronc donnent un léger sentiment de satisfaction et rassurent sur l’adaptation des muscles jambiers à l’effort répété. Il faut parfois s’y reprendre à plusieurs fois pour parvenir à atteindre le sommet du tronc, et ce n’est pas sans vérifier que personne n’est autour afin de ne pas chagriner son égo, qui aurait tendance à penser que la 1ere tentative est la seule possible !
Bien sûr la chute n’est jamais très loin et c’est quand quelqu’un se pointe que souvent, elle arrive !!
Bien sûr, le même ego ne se cache pas pour célébrer les deux pieds posés sur le tronc comme s’il avait atteint le sommet du Mont Whitney !
Là-aussi, vous vérifiez que personne ne vous ait pris sur le fait d’un ridicule non assumé, même si j’ai l’intime conviction que je ne suis pas le seul à danser la Jean Guile une fois posé sur mon tronc !
L’épreuve n’est pour autant pas terminée, et si vous prenez pour acquis la descente du tronc, c’est souvent là que la chute survient. Qui fait le malin, tombe dans le ravin ! Surtout que souvent, un autre tronc se cache derrière, on dit bien que l’arbre cache la forêt. Ou à minima, ce sont contre des branches qu’il faut se battre pour revenir sur le sol. Et puis surtout, toujours se rappeler que l’on porte l’équivalent d’un enfant de 5 ans sur le dos. L’impact des genoux sur le sol dans une descente trop précipitée vous le fait bien sentir !
Je ne peux m’empêcher de penser à ce moment-là, à une flexion du genou qui dépasserait les 150 degrés, qui est le maximum possible avant de voir la morphologie de votre genou changer radicalement et vous faire ressembler au personnage de Deadpool dans les Marvels avec la douleur indicible en plus !

Une fois la curiosité du franchissement d’un arbre couché passée, on a tendance à légèrement s’agacer quand on a face à soi l’équivalent d’une épreuve de 5000 m steeple, avec le sentiment en plus que la forêt est en chantier et mal entretenue.
Après, il faut arriver à comprendre que les employés des forêts et parcs nationaux ont bien du travail et qu’il y a aussi toute une partie bénévole de la part de l’association du PCT. Cela permet de relativiser largement.
Quant au fait de grimper, il y a souvent la récompense au sommet avec une vue magnifique sur un lac. Il suffit de cette vue pour que ça vous fasse votre journée.


C’est encore le cas aujourd’hui et par deux fois, je tombe sur des lacs imposants en contrebas et de jolies fleurs sauvages aux couleurs variées qui dominent ces lacs, et qui permettent des photos magnifiques.
Aujourd’hui ce seront des Lewisia et des Penstemon (sorte de campanules), 2 plantes de rocailles que l’on trouve spécifiquement en Amérique du Nord, et principalement en Californie et dans l’Utah.



Atteindre les hauteurs permet aussi de mesurer le chemin parcouru, ce qu'un simple marquage au sol n'arrive pas toujours à faire lorsque vous franchissez une centaine.
10 jours après avoir découvert pour la 1ère fois le Mont Shasta par le Sud Est, je le contourne depuis quelques jours par le Nord Ouest et je vois tout ce relief par lequel je suis passé.
J'arrive à Etna summit qui est le point de sortie pour aller à Etna, la dernière ville étape de Californie.
J'aperçois la route qui promet un autostop très long tellement elle semble peu fréquentée.
Mais c'est sans compter la magie des trail angels de la route et en l'occurence ici Grandma Bubbles, au look un peu hippie, qui arrive dans un nuage de poussière au moment pile où je débouche sur le bitume. "Hey hiker, need a ride ?" - ""you bet !"... "un peu que je monte dans ta Datsun vert kaki des années 70... Tu crois pas que j'allais rester planter là à attendre la Saint glinglin en me laissant rôtir au soleil !". J'avoue que la traduction est un peu étoffée et reflète davantage ma pensée.
J'ai d'autant moins envie d'attendre que mes compagnons de route sont devant moi et sûrement déjà en train de siroter la bière promise !
Je suis rejoins dans ma "ride" par Dippy et Care Bear, deux soeurs dont on pourrait croire qu'elles sont jumelles et qui tentaient désespérément l'autostop.
Etna a l'air d'être une petite bourgade sympa, mais peu importe pour l'instant, la priorité est d'aller étancher ma soif tel un cowboy dont la préoccupation en arrivant en ville est d'aller direct au saloon. Personne sur mon chemin, sinon je dégaine la winchester !
Je retrouve rapidement Pirate, Sweeper et Hide N' Seek, et nous filons à la ETNA Brewing Company, dont l'écriteau semble être à la hauteur de nos attentes : "Soup of the day : Beer !".



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