Day 89 PCT : Seiad Valley - Km 2681
- vincentsouverain51
- 12 oct. 2022
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 janv. 2023
18 juillet 2022 : 17mi / 28 km - D+ 1550m / D- 400m - Total : 1738 miles / 2796 km


Au bout de 1650 miles, il est temps de faire un peu d’anglais et de retenir dans le lexique du bon pct-iste, le terme de « bushwacking », qui pourrait se traduire par « chercher son chemin à travers les buissons ».
Ce terme n’inspire pas des moments particulièrement amusants, puisqu’il part du principe que, soit vous vous êtes complètement paumé par distraction, soit la nature a repris ses droits et laisse sur le chemin des obstacles comme des arbres tombés ou des plantations hautes ou basses venant obstruer la vue.
Vous voilà donc à la recherche du chemin et du temps perdus.
Lorsque vous êtes, apparemment, sur le chemin, ce n’est pas très grave, car vous vous retrouvez assez bien.
Vous vous dites simplement que vous auriez été plus inspiré de porter un pantalon, plutôt que d’offrir à vos jambes nues un bain d’épines et à vos bras un retour de branches qui fait l’effet d’un fouet et qui risque de percer vos vêtements à chaque instant. Quant à votre sac qui reste accroché, vous fait sans cesse tanguer de droite à gauche.
Par contre lorsque vous vous adonnez à cette activité parce que vous vous êtes trompé de chemin, ça devient vite Mike Horn dans la jungle et vous rêveriez d’avoir votre machette plutôt que de vous flageller inutilement et de vous ramasser la tronche tous les 10m.
Aujourd’hui, j’ai eu la totale !
En repartant du campground de Grider creek, alors que le chemin était indiqué, je suis parti sur une route forestière. Deux autres hikers me suivaient. Je n’avais pas de raison de m’inquiéter.
Sauf qu’en allumant mon application et en voyant que nous montions alors que le chemin était censé descendre, j’ai compris que je m’étais encore trompé. J’ai compris aussi que le PCT avançait parallèlement en dessous du chemin du PCT.
Plutôt que de me retaper les 2 ou 3 km en arrière, j’ai décidé de couper. Le couple de hikers qui me suivait a, lui, décidé de reprendre le chemin inverse. Je sais que c’est la meilleure solution, mais à ce moment-là, j’ai un côté aventurier qui a envie de se frotter aux éléments. Le chemin a beau être parallèle, il n’est pas pour autant tout près et tout en sachant que j’ai pris une décision qui sur l’échelle de l’inconscience est pas mal placée, je continue à descendre en forçant mon passage à travers les branches.
J’arrive enfin à la route, un peu honteux d’avoir été hélé par des randonneuses qui m’ont repéré dans la brousse et qui confirment que je suis bien de retour sur le PCT.
Il me reste un peu de piste à parcourir avant d’arriver à SEIAD Valley par la route.
C’est un des rares passages de bitume du PCT. Le premier était à Agua Dulce. Celui-ci est un peu long, surtout que sa raison d’être est le contournement d’une rivière dont on comprend par le débit qu’on n’a pas d’autre choix.
Seiad Valley est juste en face du chemin et un pont suffirait à la rejoindre, mais ce contournement donne l’occasion d’admirer le paysage et de passer par une de ces petites villes ou communautés reculées dont on devine par des écriteaux « Trump 2024 » plantés tant bien que mal au sol et par des maisons jouxtées de trailers décatis, qu’elle est à majorité blanche et pauvre.
On ne peut même pas parler de village tellement c’est petit. De toute façon le mot village ne vient jamais à l’esprit quand on est aux États Unis, même quand on tombe sur une ville de toute évidence réduite en habitants. J’ai du mal à dire pourquoi, peut-être est ce une question culturelle tant la différence entre les villages en Europe et aux Etats-unis est énorme.

J’arrive très tôt à Seiad Valley qui, comme annoncée, n’est ni plus ni moins qu’une petite communauté avec une épicerie peu fournie, un café, et un camping.
Comme tous les hikers, je me précipite dans le café pour prendre mon petit-déjeuner et je me contente d’un pancake, plutôt que les 5 qui composent le challenge dont j’ai déjà parlé, et d’une omelette bien garnie.
Comme beaucoup de cafés ou restaurants dans ces petites villes, l’attente est très longue. Le manque de personnel est criant.

Je suis rejoint une heure plus tard par Clémentine et en fin de matinée par Hide N’ Seek, Pirate et Sweeper.
J’avais prévu de ne pas rester très longtemps à Seiad Valley, mais la chaleur est telle, que nous nous retrouvons à plusieurs à squatter le parking et à attendre que la chaleur redescende un peu.
Je retrouve ce couple qui m’avait suivi dans mon égarement matinal, Burrito, un américain et Freebe, une française. Ils sont super sympa.
Je retrouve également « Crime Scene », et un petit groupe avec qui il traine depuis le début. Je serai très surpris d’apprendre plus tard que ce groupe était la famille de trail de cette jeune américaine, Maddie, qui est décédée d’une embolie pulmonaire en arrivant à Forrester Pass dans les Sierras, le 28 mai, soit 8 jours avant mon passage à ce col.
Je serai encore plus surpris de découvrir qu’en fait un membre de ce groupe, Rasmus, porte les cendres de Maddie avec lui. Le groupe a décidé, en accord avec la famille de Maddie, de continuer avec elle pour déposer ses cendres sur le monument d’arrivée. Ce qu’il feront fin aout avec une belle cérémonie en sa mémoire.




J’attends donc que la chaleur baisse un peu, aussi parce qu’un gros morceau nous attend : 1500 mètres de dénivelé positif sur 15 km. Pas un très fort pourcentage, mais une montée qui est très à découvert et qui sera longue.
Vers 15h, je me décide à repartir, et pour me rendre la tâche un peu plus aisée, je décide de faire une pause d’1/4 d’heures toutes les 30 minutes.
C’est aussi la dernière montée de la Californie. Autant la savourer !
La montée est en effet très longue et je suis surpris de voir que je ne suis pas le seul à appliquer cette technique. Tinkerbell, qui m’a rejoint dans la montée, fait la même chose aussi.
Je suis progressivement rejoint par mes amis, qui eux ne s’arrêtent pas.
Je tombe également sur plusieurs serpents dont un noir avec des cercles blanc qui ne m’inspire pas grande confiance.
Je termine toutefois la montée dans un magnifique coucher de soleil avec Hide N’ Seek. Nous regardons dans le rétroviseur pour observer cette vue incroyable sur le mont que nous venons de grimper et ces Lys rouge d’une beauté tellement impeccable qu’on pourrait croire qu’ils sont artificiels.







Nous nous retrouvons tous au campement de Kangourou Spring.
Ce sera notre dernière nuit en Californie.

RIP Maddie et quel joli geste de sa trail family et également de la part de sa famille pour qu'elle puisse symboliquement terminer son trail... mais sais-tu s'il ont pu atteindre les poteaux compte tenu de l'incendie qui sévissait à cette époque... ou projeté de décaler ce moment ? 😭 👨👩👧👧 🌺🌼🌷
Quant au joli king snake qui est en fait une couleuvre à protéger, elle est totalement inoffensive pour nous pauvres humains 😇 🐍